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Guerison ch2

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Uinn's avatar
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Fadeh se réveilla tard dans la matinée. Dalissa l'avait laissé dormir.
Il s'assit brusquement dans son hamac, et se tourna vers son patient.

Le naga était bien sûr toujours là; il était bien incapable de se déplacer dans son état. Mais il était surtout en vie, d'après le rythme saccadé de son souffle, et les petites contractions dont il était agité. Il semblait presque rêver, mais Fadeh n'était pas si naïf, le naga était fiévreux.

Fadeh se déplaça prudemment et alla toucher son cou. Froid.
Son corps n'était pas encore entièrement sorti d'hibernation. Cela compliquait le processus de guérison, mais c'était sans doute ce qui l'avait empêché de perdre autant de sang que les autres nagas la veille.
Hibernation et fièvre. Probablement une mauvaise combinaison, mais l'humain n'avait encore jamais vu ça.

S'il suggérait de rapprocher Dia du feu, Dalissa risquait de l'étrangler.

Il vérifia que les bandages de la nuit n'étaient pas trop ensanglantés, et, concluant que les hémorragies étaient toutes endiguées pour l'heure, il sortit de la chambre.
Le naga ne serait pas en état de quoi que ce soit aujourd'hui, ni parler, ni manger, ni comprendre ce qui l'entourait.

Fadeh passa dans la cuisine se laver les mains, et s'installa à la table avec deux tranches de pain et un oeuf.
Dalissa ravivait le feu non loin et observa son apprenti en coin.

"Quoi?" finit-il par demander au bout de plusieurs minutes.
"Hmm. Je suppose que ça signifie que ton patient a survécu à la nuit?"
"Oui."
"Ne t'y attache pas, Fadeh." avertit la soignante.
"Je sais, je ne suis plus un enfant, tu n'as pas besoin de me faire la leçon."
"Et pourtant il faut que je le répète à chaque fois. Tu t'impliques beaucoup trop."

Fadeh mordit dans son pain pour ne pas avoir à répondre.
Dalissa contourna la table. La claque sur le dessus de sa tête n'aurait pas dû autant étonner Fadeh. Il se retourna, furieux, pour trouver le regard dur de la soignante.
"Tu pensais vraiment que je n'avais pas vu son oreille déchirée hier? Les seuls nagas de la région qui portent des boucles d'oreilles n'ont aucun accord avec nous. Ils vivent trop loin. Tu as mis combien de temps pour aller chercher ce garçon qui ne paye absolument rien pour ses soins?"

Trois heures à l'aller et deux heures et demie au retour, mais il ne comptait pas le dire à voix haute.
"Je ne suis même pas certain que ce soit un mâle..." dit-il à la place. "Ce naga a un visage d'elfe, et tu as vu sa poitrine écorchée. Et il ou elle est adulte."
"Venimeux ou constricteur?"
"Je...n'en sais rien. Tu as vu sa queue. Constricteur est une possibilité."

Quand il avait soigné la bouche la veille, il avait remarqué que plusieurs dents manquaient au naga, extraites par les raiders, et non brisées comme cela arrivait parfois. Ils avaient pris entre autres celles qui correspondaient à ses crochets, si Dia était venimeux.

Dalissa garda le silence quelques secondes.
"Puisque tu as l'air d'aimer te déplacer loin, tu vas pouvoir aller remplir nos réserves d'eau. Tu as pratiquement tout vidé en une soirée. Tu t'occuperas aussi de renouveler comme convenu tous les stocks utilisés, en plus de tes tâches habituelles. Tu as de la chance, nous n'avons aucun autre patient en ce moment. Ah, et les poules ont besoin de grain."

Fadeh finit de manger rapidement puis se mit au travail.
Il passa le reste de la matinée à préparer des stocks d'onguents à l'avance, fit quelques corvées autour de la maison et passait jeter un oeil à son patient entre deux tâches.

Au milieu de l'après-midi, alors que la chaleur était à son pic et que Dia semblait plus réveillé et plus vocal dans ses divagations sans voix, Fadeh prit le cheval et partit en territoire centaure, pour chercher de l'eau à la rivière et de l'argile blanche.

***

Les jours suivants, le temps se réchauffa et le naga sortit de plus en plus de sa torpeur délirante. Il se replia sur lui-même, silencieux (de toute façon incapable de parler, à cause de sa gorge écorchée à trop crier) , fixant tous les mouvements autour de lui.

Fadeh essaya de se présenter et de communiquer avec lui à l'occasion de soins, mais pour toute réponse, Dia vomit.

Le naga était malade. Il vomissait de la bile, refusait toute nourriture, et ses intestins se vidaient eux aussi, ce qui entraînait plus de risques. Fadeh s'assurait de lui donner de l'eau, et le nettoyait.

"Est-ce que ça va mieux, Dia? Toujours des nausées?"

Le naga lui lança un regard noir, mais ne fit aucun signe.
"Est-ce que c'est quelque chose de normal à la sortie d'hibernation?"

Toujours le regard et aucun signe pour l'aider.
"Est-ce que tu as du venin? Ca pourrait être parce qu'il fuit dans ta bouche..?"

Rien.
"Tu veux bien ouvrir la bouche?"

Dia montra ses dents, sur la défensive. Fadeh n'insista pas.

Le patient le laissait à peine toucher aux bandages. Fadeh réussit à négocier pour retirer le moule d'argile et changer les draps protecteurs. Les saignements avaient cessés, relancés seulement quand le naga bougeait son corps, mais la chair à vif avait besoin d'onguents pour la soulager et la protéger des infections et insectes qui se réveilleraient bientôt.


***

"Tu réalises que tu te sers de ce "projet" comme d'une échappatoire, Fadeh?" lui dit Dalissa un soir. "Tu te tiens occupé. Tu délayes. Ça sera encore pire après."
"Je sais." murmura le jeune homme.
"Je ne veux pas te voir revivre la même chose que la dernière fois. Pourquoi est-ce que tu t'infliges ça? Personne ne te demande de le faire."
"Est-ce que notre vocation n'est pas de soulager la douleur? D'aider les autres? Je ne peux pas stopper les raids. Mais j'ai trouvé la seule chose que je peux faire pour aider."
"Exactement! Tu les aides. Tu n'es pas payé pour le faire. Je suis sûre que la moitié de ces nagas te remercie de les tuer. Tu n'as aucune raison de te sentir coupable."
"Tu n'es pas là. Tu ne sais pas comment c'est." renvoya Fadeh en évitant son regard.

Il entendit Dalissa venir se camper devant lui.
"Fadeh. Ils sont morts. Ils sont morts et tu as aidé à les tuer. Et tu auras peut-être à tuer celui-là aussi. Tu leur a rendu service. Tu n'as rien à te reprocher. C'est fini. Il faut aller de l'avant."

Il prit la fuite vers sa chambre.

"Enfin!" disait la soignante de l'autre côté de la porte. "Fais ton deuil. Sois inutile pendant deux ou trois jours, comme d'habitude, et reviens quand tu seras prêt à travailler."


***


L'état général du naga se stabilisait: les blessures les plus inquiétantes cicatrisaient et Dia gagnait en forces et en lucidité de jour en jour, même si cette lucidité semblait le pousser vers moins de coopération.

"Tu es sûr que tu ne veux pas manger? Tu as besoin d'énergie pour guérir, Dia."

Toujours pas de signe.
Fadeh lui montra une tranche de viande crue, et il lui sembla voir de l'intérêt dans ses yeux pendant une seconde, avant qu'il ne se reprenne et lui donne son éternel regard sombre.

Le soignant soupira et reposa la nourriture.
"Bien. Repose-toi alors. Si tu changes d'avis, fais-le-moi savoir."

Il s'éloigna du lit, avec un regard en arrière avant de passer la porte.
"Tu es dans un état stable maintenant. Ton appétit va sans doute revenir bientôt... C'est le printemps, tu sais."

Pas de réaction.

"J'espère seulement que tu ne regrettes pas ta décision de vivre..."
"...Non." répondit enfin Dia d'une voix très rauque, suivie de plusieurs secondes de toux.

Fadeh acquiesça pour indiquer qu'il avait entendu, puis sortit de la chambre.

Dalissa était assise à la table dans la pièce principale, à affuter la lame des couteaux de chirurgie. Le jeune homme la rejoignit. Elle dit sur le ton de la conversation:
"Alors? Toujours entêté à garder cette chose en vie?"
"Son état s'améliore. Et j'apprécierais que tu cesses d'en parler dans ces termes."

La femme fronça les sourcils.
"Elle a perdu toute dignité. C'est une loque. Tu veux en faire quoi? Un animal de compagnie?"
"C'est-son-choix."

Sur ce, il se leva et partit en direction de la grange.
Dalissa était toujours aussi désagréable. Cela faisait une semaine qu'elle tentait de le convaincre que le naga était une mauvaise idée, et il en avait assez de subir ses assauts et se répéter.

La soignante le vit prendre son cheval et s'éloigner en le faisant marcher entre les arbres.
Elle posa ses couteaux et sa pierre, et s'avança vers la chambre avec le blessé.

Dia observa la nouvelle arrivante par en dessous, comme à son habitude. L'humaine ne semblait pas impressionnée, mais gardait ses distances.
"Ecoute-moi bien, naga. Je suis Dalissa, la soignante ici. Que les choses soient claires: je ne veux pas de toi. Tu aurais dû mourir de tes blessures; au moins ça aurait servi à désillusionner mon apprenti. Tu es une honte pour ton espèce et tu n'as aucun avenir digne. Sans bras et sans écailles, tu n'es qu'un misérable ver. Tu mérites un terme à tes souffrances."

Dia cilla et la fixa, du même regard qu'il offrait à Fadeh ces derniers temps.
"...Charmant." fut tout ce que le blessé se risqua à répondre de sa voix éraillée.

Dalissa fit demi-tour et le laissa seul.

***

Plus tard, quand Fadeh fut de retour dans la chambre, il tenait un verre au contenu fumant.
"J'ai trouvé des herbes qui devraient aider à soigner ta gorge, je t'ai fait une infusion... Tu veux bien la boire?"

Le naga hocha légèrement la tête et Fadeh vint se placer à son chevet. Il lui tendit le breuvage.
"La chaleur te fera du bien aussi. Bois doucement. Essaye d'utiliser des phrases très courtes si tu veux parler, le temps de t'habituer."

Dia sortit sa langue serpentine pour inspecter le verre. Il s'attarda aussi à sentir la main qui le tenait, l'air contemplatif. Fadeh s'en étonna, mais ne dit rien.

Dia but l'intégralité du verre, et même au bout de quelques minutes, son estomac ne sembla pas rejeter l'infusion.
Fadeh sourit et se prépara à repartir. Deux mots le retinrent:
"J'ai faim."
On continue donc...
Est-ce que c'est mieux les interlignes comme ça (comme prévu au départ), ou comme le chapitre 1 (plus espacé, qui arrive quand je fais copier-coller depuis Word apparemment)?


Fadeh semble pour l'instant parler de Dia au masculin parce qu'il se base sur "le naga" et "le patient".



Guerison ch1Avertissement: gore
Fadeh libéra lentement sa dague de la poitrine du naga. Il cilla une fois avant de se redresser et glissa sans bruit sur le sol gelé vers un autre reptile mourant.
 
Les oiseaux ne chantaient pas; la forêt semblait comme morte après tant de hurlements.
L'odeur du sang était omniprésente. Les cris des reptiles à l'agonie étaient devenus des gémissements après le raid, qui mourraient à leur tour à mesure que l'heure avançait en cette tragique après-midi.
 
Le corps suivant, un grand naga probablement terrible et magnifique et temps normal, n’était désormais qu’une masse de chair à vif, en sang, qui luttait pour respirer. Les raiders humains avaient écorché la créature pour ses écailles, emporté ses cornes et ses griffes comme trophées, et peut-être même quelques dents, au vu du sang qui maculait ses lèvres.
 précédent | suivant Guerison ch3C'était maintenant la deuxième semaine depuis que Dia avait rejoint le centre de soins.
 
Dia mangeait désormais avec appétit.
Ses nausées continuaient, mais le naga ne vomissait plus. Il mettait parfois du temps à choisir ses mots à prononcer de sa gorge blessée; au moins, il y avait un début de communication entre eux.
À la surprise de Fadeh, la toute première question de Dia avait concerné ses cheveux raccourcis. Le naga restait obstinément fermé à toutes les questions personnelles.
 
Ce sur quoi Fadeh n'avait pas compté, était le manque de coopération de son patient - non pas pendant les soins, mais en dehors.
 
 
"Reste couché ou je t'attache!" ordonna le jeune homme en maintenant les épaules de Dia sur le matelas.
 
Dia siffla furieusement en réponse à cette menace, et fit claquer une fois ses mâchoires en direction d'une des mains de l'humai



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K-naille's avatar
Mmh, Dalissa semble dure mais on peut comprendre ses arguments. Ou alors c'est de la psychologie inversée ? En tout cas son petit sermon aura ramené Dia à de meilleures dispositions...