Demonic children CH4_FR

/Graël?/
L'appel fit sursauter le blond, à cran.

Plusieurs étages au-dessus de lui, un petit chien aboya de sa voix aigüe en une longue complainte.

Irrité, le garçon envoya une réponse sèche.
/Silence! Rester caché. Tous./

Le chien s'égosillait dans son appartement. Quelques cris de sa propriétaire suffirent à ramener le silence.

Graël reprit son écoute, immobile. Bouger pouvait s'avérer dangereux. Ne pas agir de façon naturelle pouvait s'avérer dangereux.

Lui-même était paniqué et terrorisé. Il surveillait le ciel et tendait l'oreille.
Mais il ne pouvait pas laisser la peur prendre le dessus. Il devait penser à la sécurité des autres et tenter de calmer sa compagne.

"Chuuuut, ça va aller. Ça va aller. Ce n'est pas nous. Ils sont loin. On est toujours là. Chuuut, chhhh. Calme-toi Sared..."

Graël caressa le dos de Sared, se voulant rassurant. Le souffle de la jeune fille s'emballait tandis qu'elle sanglotait avec les mains plaquées sur ses oreilles; il voulait éviter la crise d'hystérie.

"Morts! Ils sont mor-rts! Je les ai sentis! Je les ai sentis! Ils ont disparu! Ils étaient proches! On-on aurait pu les trouver!"
"Chhh... C'est mieux comme ça. On serait morts avec eux."

Lui aussi les avait sentis. Senti leur vie disparaître et entendu les appels de détresse dans les bourrasques de vent, amenés depuis la ville voisine, même s'il était difficile de juger de la distance exacte.

Il posa ses mains sur celles de Sared pour les soulever doucement et lissa les cheveux par-dessus la pointe d'une oreille.
"Chuuuuut... Je sais que c'est dur, Sared. Mais il ne faut pas paniquer. Il ne faut pas montrer qu'on sait ce qu'il s'est passé. On doit faire semblant, d'accord? Faire comme si tout allait bien."

Parler lui clarifiait l'esprit. Son instinct lui dictait de rester caché jusqu'à la nuit. Il devait donc faire tout le contraire.
Il songea un moment à lancer un contre-ordre pour le reste du groupe, mais se ravisa. Communiquer était dangereux. Les Chasseurs savaient peut-être repérer leurs échanges. Les autres n'avaient pas pour habitude de se montrer beaucoup, de toute façon.

Il ramassa le chapeau de paille tombé au sol et le remit en place pour dissimuler les oreilles de sa compagne.
"Viens, il faut retourner sur la rue. Viens."

Graël traîna presque Sared jusqu'à l'entrée de la ruelle. Elle était parvenue à calmer en grande partie ses sanglots quand ils en sortirent. Le garçon s'installa sur le carton, gardant sa compagne contre lui et s'assurant que ses lunettes étaient bien là.

Tony se réveilla à nouveau avec leur mouvement près de lui. Il vit tout de suite que quelque chose n'allait pas.
"Sarah? Tu pleures? Qu'est-ce qui s'est passé?"

L'adolescente sécha ses yeux et secoua la tête.
Tony se tourna vers Graël pour plus d'explications. Sared ne pleurait jamais. Pas devant lui, en tout cas.
"Tu lui as annoncé une mauvaise nouvelle, c'est ça?"

Graël grogna quelque chose d'incompréhensible. Il se cala un peu mieux contre le mur. Quand il parla, sa voix était plus faible qu'à son habitude:
"Je vais rester un peu, si ça ne dérange pas. Ne fais pas attention à nous, s'il-te-plaît..."
"...D'accord..."

Ce qui était bien avec Tony, c'est qu'il avait appris à ne pas poser de questions. Graël ne pouvait qu'en être reconnaissant.
Il continua à bercer et calmer Sared de son mieux, se rassurant lui aussi à son contact.
Tout irait bien. Ils ne seraient pas pris s'ils se montraient. S'ils ne paraissaient pas suspects. S'ils paraissaient humains.

Ils devaient rester au grand jour encore quelques heures, au cas où les Chasseurs passeraient devant eux. Agir en humains. Ne pas montrer leur peur, ne pas montrer leur chagrin. Imiter les autres. Se moquer si les autres le faisaient. Survivre.

Après ça ils pourraient retourner se cacher. Retrouver les autres. Et laisser libre cours à leurs émotions. Pas avant.
Graël savait qu'ils voudraient passer la nuit tous ensemble.